Devant la Cour de cassation, la liberté de la presse peut l’emporter sur le droit à l’oubli

Devant la Cour de cassation, la liberté de la presse peut l’emporter sur le droit à l’oubli

Des chiffres et delete

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Marc Rees

Publié dans

Droit

31/05/2016 4 minutes
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Devant la Cour de cassation, la liberté de la presse peut l’emporter sur le droit à l’oubli

Deux frères mécontents de retrouver leur nom dans les archives du site de nos confrères Les Échos ont vainement exigé l’effacement de ces traces personnelles. La Cour de cassation a rejeté leur pourvoi, estimant que leur demande était trop attentatoire à la liberté de la presse.

Stephane et Pascal X avaient été sanctionnés en avril 2003 par la commission disciplinaire du conseil des marchés financiers, laquelle leur avait retiré leur carte professionnelle d'intervenant sur les marchés financiers. En 2006, les deux frères avaient obtenu de la commission, mais également des Échos qui en avait parlé, que soient retirées les références nominatives de cette décision.

En 2006, le Conseil d’État avait rabaissé cette sanction à un simple blâme. Le quotidien économique avait fait état de cet arrêt dans un article, depuis archivé dans ses pages, mais qui arrive encore en première page de Google lorsqu’on fait une requête sur leur patronyme. Pas très agréable pour qui cherche à se refaire une virginité. Mécontents, les deux frères avaient donc mis en œuvre en 2012 leur droit d’opposition à ce traitement de données personnelles prévu par l’article 38 de la loi de 1978 en demandant à nos confrères la suppression de ces données personnelles.

Au tribunal comme en appel, les juges leur ont toutefois opposé une autre disposition de la loi Informatique et Libertés. Le 2° de l'article 67 autorise en effet « les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre aux seules fins... d'exercice, à titre professionnel, de l'activité de journaliste, dans le respect des règles déontologiques de cette profession ». Et pour leur refuser ce « droit à l’oubli », les juges ont spécialement relevé l’absence d’inexactitude dans l’article source.

Effacer des données nominatives peut priver un article de tout intérêt

Dans son arrêt, relevé notamment par Legipresse.com ou Legalis.net, la Cour de cassation a tranché le 12 mai dernier dans le même sens : selon elle, le fait d'imposer à un organe de presse, soit de restreindre soit de supprimer d’un site Internet dédié à l'archivage de ses articles, l'information contenue dans l'un d’eux, « excède les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse » :

« le fait d'imposer à un organe de presse, soit de supprimer du site internet dédié à l'archivage de ses articles, qui ne peut être assimilé à l'édition d'une base de données de décisions de justice, l'information elle-même contenue dans l'un de ces articles, le retrait des nom et prénom des personnes visées par la décision privant celui-ci de tout intérêt, soit d'en restreindre l'accès en modifiant le référencement habituel, excède les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ».

Cet équilibre subtil entre liberté de la presse et droit d’opposition s’est donc fait ici au profit de la première.

L'intérêt prépondérant du public à avoir accès à l'information

Lorsqu’elle avait consacré le droit à l’effacement dans les moteurs de recherche, le 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ailleurs rappelé quelques grands principes, ici mis en musique. Les données à caractère personnel doivent ainsi présenter certaines qualités :

  • Être traitées loyalement et licitement
  • Être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, sans être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités
  • Être « adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement »,
  • Être « exactes et, si nécessaire, mises à jour »
  • Enfin, être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou pour lesquelles elles sont traitées ultérieurement ».

Dans tous les cas, les juges européens ont rappelé aussi que « des raisons particulières justifiant un intérêt prépondérant du public à avoir, dans le cadre d’une telle recherche, accès à ces informations » peuvent restreindre le droit d’opposition des individus. On remarquera enfin que l’article en cause est rangé dans les archives du site des Échos, dont le moteur principal n'exploite pas le stock antérieur à mai 2013.

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Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Effacer des données nominatives peut priver un article de tout intérêt

L'intérêt prépondérant du public à avoir accès à l'information

Commentaires (29)


Mouaip… 

Les mecs ont fait une connerie et maintenant que ça leur colle aux basques ils voudraient remettre le compteur à zéro.



C’est ce dont rêvent tous les politiques de touts bords non ? 

Qu’on puisse effacer de la presse leurs condamnations, implications, et aussi très (trop) souvent, autres preuves d’incompétences.

 


Comme je le rappelais justement hier, il ne faut pas oublier de faire la distinction entre personne publique (qui a pris la responsabilité que son nom soit affiché et connu de tous) et personne “privée” qui, elle, n’a pas pris cette décision. Une personne privée ne va pas être suivie de papparazi (et peut je pense porter plainte pour atteinte à la vie privée), une personne publique (politiques dont tu parles), non.


De toutes façons, le fait de garder leurs discours dans les archives ça les grille déjà au jeu du retournement de veste et pourtant ça n’arrête personne.


Et Stéphane et Pascal X tu les places dans quelle catégorie ?

Car si je te suis, ils sont passé de personne privé, à personne publique sans en avoir l’intention.



Et contrairement à ce que tu dis, on a beau être une personne publique on a droit aussi à sa vie privée.


Une file ce fait violé, et les agresseurs publie la vidéo sur tout les plateforme du web.



Elle demande le retrait de vidéos.

Les horde de paparazzi cri liberté de la presse.



Juge: paparazzi win.





Ouais normal. <img data-src=" />








Salamandar a écrit :



Comme je le rappelais justement hier, il ne faut pas oublier de faire la distinction entre personne publique (qui a pris la responsabilité que son nom soit affiché et connu de tous) et personne “privée” qui, elle, n’a pas pris cette décision. Une personne privée ne va pas être suivie de papparazi (et peut je pense porter plainte pour atteinte à la vie privée), une personne publique (politiques dont tu parles), non.





ouais mais il me semble que les personne qui font le plus de demande de suppression ce soit des politiques, y’a un article sorti la dessus il y a quelques temps &nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;



Je vous rappelle aussi qu’un projet de loi va permettre de changer plus facilement de prénom à l’avenir.



Imaginons quelqu’un ayant un passé chargé, il lui suffira de changer de prénom et de prétexter un homonyme (pour peu que la date de naissance ne soit pas précisée) pour insinuer le doute.


J’imagine que ce genre d’information doit être un bien grand boulet au pied de celui qui veut continuer de travailler dans la branche.



Quid de la demande de déréférencement aux moteurs de recherche? Comme pour l’arrêt C-13112 ça doit être bien plus le fait d’exposer cet archive en première page lors d’une recherche que l’archive en elle même qui poser problème à ces personnes.



&nbsp;







Alain EtCo a écrit :



Mouaip…&nbsp;

Les mecs ont fait une connerie et maintenant que ça leur colle aux basques ils voudraient remettre le compteur à zéro.



C’est ce dont rêvent tous les politiques de touts bords non ?&nbsp;

Qu’on puisse effacer de la presse leurs condamnations, implications, et aussi très (trop) souvent, autres preuves d’incompétences.

&nbsp;





C’est effectivement la question: jusqu’à quand la connerie pour laquelle t’as payé devant la justice doit te coller aux basques? Est-ce que 10 ans après la punition on n’a pas le droit d’être laissé tranquille et reprendre sa vie?



C’est comme ça que le RPR est devenu l’UMP puis le LR <img data-src=" />


Pour l’instant c’est plutôt la langue française qui se fait violer <img data-src=" />


Est ces avec plasir <img data-src=" />


Alors que le PS est resté le même: c’est plus facile de faire remonter les casseroles.<img data-src=" />


hop filtré <img data-src=" />








DUNplus a écrit :



Une file ce fait violé, et les agresseurs publie la vidéo sur tout les plateforme du web.



Elle demande le retrait de vidéos.

Les horde de paparazzi cri liberté de la presse.



Juge: paparazzi win.





Ouais normal. <img data-src=" />





Juste au cas où tu serais sérieux :

&nbsp; Il est précisé dans l’article qu’il faut que ce soit un article journalistique (donc pas une vidéo d’un viol), aux seules fins professionnelles (violeur n’est pas une profession), et de façon déontologique (je ne crois pas que la déontologie des journalistes les autorise à violer l’intégrité physique ou morale d’une personne).



Donc non, dans ton cas le juge ne donnerai pas raison aux paparazzi.

&nbsp;



Effectivement, là c’est compliqué… Et c’est justement pour ça qu’on en parle ^^

Je répondais surtout à AlainEtCo à propos des politiques (ou des acteurs, PDGs de multinat, etc) : La question ne se serait même pas posée pour, mettons, Valls ou Johnny Hallyday. Dans leur cas, le “retour à zéro” n’existe pas de base, et bien heureusement.

Quant à être une personne publique et avoir droit à sa vie privée… Oui, bien sûr, dans certaines mesures. Mais (malheureusement ? heureusement ?) ce n’est pas le cas dans le monde d’aujourd’hui.


Je crois que tu n’as absolument rien compris. As-tu seulement lu l’article ? <img data-src=" />


Le déréférencement est , en général, aussi demandé.

Parfois le journal ne propose que le déréférencement, parfois il accepte les deux, parfois ça se termine devant la Cour de Cassation. <img data-src=" />








bloossom a écrit :



C’est effectivement la question: jusqu’à quand la connerie pour laquelle t’as payé devant la justice doit te coller aux basques? Est-ce que 10 ans après la punition on n’a pas le droit d’être laissé tranquille et reprendre sa vie?





Non, leur nom est impliqué dans une affaire public. Après malheureusement celui ci fait lien avec l’article mais on y peut rien. Ca reste de l’information utile ou non et accessible à ceux qui recherche.

C’est comme si en 2048 on demandait à ce que le nom prénom “Adolph Hitler” ne soit pas identifié à Shoah car il a payé sa dette.



Il devrait plus se retourner sur le ou les moteurs de recherche pour moi et encore.



effectivement c’est plus judicieux de faire les deux. D’ailleurs certains sites se chargent de demander eux-même le déréférencement des informations qu’ils stockent.



Après effacement du site et déréférencement sont deux choses différentes, résultant de deux pesées d’intérêts différents dans chaque cas. Peut-être que le déréférencement aurait été accepté?



&nbsp;


L’analogie est quand même scabreuse. Gravité différente, personnalité

publique ou non, bref intérêt public différent à obtenir l’information

contre un intérêt privé différent également. D’ailleurs c’est la

position de la justice. Il faut tenir compte du cas concret pour peser

les intérêts divergents, et l’intérêt public peut être très fort.



Après effectivement je pense que l’intérêt public qu’est la liberté d’expression est plus important que celui de ces deux personnes à être laissées tranquilles. Je trouve légitime que le journal en question ait refusé d’effacer ces données. Cependant, est-ce que l’intérêt de retrouver, pour chacun en page une de son moteur de recherche ce lien alors qu’on ne l’a pas demandé est aussi fort? C’est bien parce que l’info n’est plus utile pour une écrasante majorité du public qu’on peut considérer comme justifié de laisser ces gens tranquilles.



Enfin le droit pénal, malgré tout ce qu’on peut entendre, à resocialiser celui qui s’est mal comporté. Le but est de réintégrer dans la société celui qui a commis une faute, ce qui est impossible sans oubli, une fois que l’affaire n’a plus de raison de continuer à exister.



Peut-être que 10 ans c’est trop peu, peut-être qu’imposer à un journal d’effacer des archives est disproportionné, mais c’est différent du référencement et à un moment donné, la simple curiosité (malsaine?) ne constitue pas un intérêt supérieur à celui d’être laissé tranquille.


Mais ces deux demande sont invoquées au visa unique l’article 38 qui sert de base juridique au droit à l’oubli numérique alors qu’il n’est sensé concerner que le droit d’opposition, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.


En effet je suis d’accord avec toi, le but d’un condamnation est de punir dans un premier temps, puis réintégré dans la société et ou reprendre un chemin dans la légalité. Dans le cas ou une condamnation s’effacerait avec le temps d’un casier judiciaire alors oui je suis d’accord avec ce que tu dis.

&nbsp;

Dans leur cas, il y a eu une interdiction d’exercer dans les marchés financier transformé en blâme. Ca peut être préjudiciable s’ils sont toujours dans ce domaine, mais ils peuvent toujours défendre leur position.


Sauf erreur de ma part ces articles transposent la directive 9546, interprétée par la CJUE comme incluant le droit à l’oubli. Par contre je ne retrouve plus à quel article précis la directive rattache le droit à l’oubli, et donc à quel article transposé elle se rattache. Peut-être l’article 40?



En définitive dans chacun des cas le fondement devrait rester le même bien que la pesée des intérêts puisse diverger.








Khalev a écrit :



Juste au cas où tu serais sérieux :

  Il est précisé dans l’article qu’il faut que ce soit un article journalistique (donc pas une vidéo d’un viol), aux seules fins professionnelles (violeur n’est pas une profession), et de façon déontologique (je ne crois pas que la déontologie des journalistes les autorise à violer l’intégrité physique ou morale d’une personne).



Donc non, dans ton cas le juge ne donnerai pas raison aux paparazzi.









seboquoi a écrit :



Je crois que tu n’as absolument rien compris. As-tu seulement lu l’article ? <img data-src=" />





J’avoue j’ai un poil exagéré.



Disons plutôt qu’une victime (la seul) demande qu’on applique son “droit à l’oubli”, les paparazzi veut parler de sont affaire a 20h.

Et la, le juge donnerai raison aux paparazzi? Non?





CyDream a écrit :



+1 <img data-src=" />





-1 <img data-src=" />









Cartmaninpact a écrit :



C’est comme ça que le RPR est devenu l’UMP puis le LR <img data-src=" />





<img data-src=" />





Stephane et Pascal X





en première page de Google lorsqu’on fait une requête sur leur patronyme.





Alors bon, j’ai fait un recherche de X sur google… et bah y a beaucoup de vidéos de charme. <img data-src=" />


Affine avec le mot clef “Frère” &nbsp;<img data-src=" />


Bof, le porno gay…